l'Europe, un idéal qu'on ne doit pas ancrer dans le réel

Les séries parlant de l'apocalypse, ou de bouleversements du monde on tendance à se centrer seulement sur les effets que cela peu avoir sur les Etats-Unis, le reste du monde est laissé dans l'ombre. Ce forme d'égocentrisme américain se rouve par exemple dans Jeremiah ou Dark Angel. Un autre phénomène nous intéresse, celui de l'adaptation de séries européennes, on pense aux brianniques Skins ou Being Human, celles-ci gardent le titre on y ajoute simplemen la mention "US".  Les Etats-Unis possèdent des créateurs de série renommés mais ils ressentent le besoin d'adapter les succès européens au lieu de les diffuser tels quels, de se les approprier. Pourquoi ? Les intrigues restent globalement les mêmes, on choisit des acteurs ressemblant plus ou moins aux britanniques. Quel est donc l'intérêt de ce procédé à part l'aspect économique ? On transpose les intrigues dans son propre univers comme si l'on ne pouvait s'identifier aux aventures de personnages que dans notre propre monde, cela correspond à un refus de l'altérité pleine. Le cadre des petites banlieues londoniennes charment bon nombre de téléspectateurs français, pour leur originalié face à l'hégémonie américaine mais sous le poids des networks elles se retrouven donc uniformisées.

Cela change avec Lost et Heroes qui s'ouvrent au monde. Dans les deux séries on voit d'ailleurs des personnages étrangers parler dans leur langue d'origine fait suffisamment rare pour être mentionné. Mais l'on note une grande différence la première propose une nouveauté réelle tandis que la seconde ne s'inscrit finalement que dans une certaine tradition télévisuelle. Dans Heroes, l'Europe est moins présente. L'Amérique dans son ensemble est représentée, Mexique, Etats-Unis, etc. L'Asie est très présente : Japon, Inde et l'Afrique apparaît plusieurs fois.Seuls les noms des personnages évoquent des origines européennes avec Simone Deveaux pour la France ou la famille Petrelli pour l'Italie. On a ici une véritable dichotomie de l'Europe, celle qui s'est transposée aux Etats-Unis et sa vision fantasmée. On ne peut la voir apparaître sous forme réaliste puisque ce serait problématiser l'identité américaine.  Ainsi dans Heroes : Matt et Daphne ne s'y rendent pas ensemble dans la réalité mais seulement sous forme de songe, notre héros fait voler la jeune mourante au dessus de la tout Eiffel, le premier symbole de la France.

Pour eux, il ne peut y avoir deux Europe. Pour préserver le rêve, ils rejettent la plus réaliste, les Européens réels ce sont donc eux, les Américains. Cela leur permet de ne pas briser leurs illusions quant à leurs origines, pour être encore rêvé le continent européen ne doit pas être découvert sous son vrai jour. On découvre et réinvente son histoire, on imagine son présent mais on ne s'y confronte pas directement. Dans Passeurs culturels, Johanna Nowicki désigne ainsi l'Amérique du Nord comme "l'Autre Europe" et parle plus tard de véritable "schizophrénie culturelle".

Dans Lost, la chanson "La Mer" de Charles Trenet devient une clé à part entière de l'intrigue, pas seulement un accompagnement. Les paroles même sont à décrypter par les personnages et employées dans le scénario, elles participent à un code. Rousseau, un personnage français y fera référence mais c'est Shannon qui la fredonne au début de la série.

Dans Alias, le personnage principal parle de nombreuses langues, dont le français. La série nous apporte des éléments topographiques très précis, toujours relativement réalistes, on ne se limite pas à Paris puisque l'on aperçoit Nice et bien d'autres villes européennes. Avec JJ Abrams, la réalité prend part à la fiction, on hésite pas à voyager d'états en états, non pour des romances mais pour des affaires d'espionnages ou de politique. Nous avons un véritable changement de situation par rapport aux autres séries, c'est peut-être une des raisons du succès de ses productions, comme le dit  Anna Torv l'actrice principale de Fringe : "il nous immerge dans des réalités profondes". En ce sens il a révolutionné le petit écran et s'est élevé au rang de référence.

Néanmoins, les personnages de Lost sont bloqués sur l'île, le continent restera inatteignable.  Les Etats-Unis étant devenus eux-mêmes un lointain horizon. Quant à Alias, on se limite aux riches villas de la côté d'Azur, aux luxueux hôtels parisiens, les évènements appartenant au domaine privé se déroulent tous aux Etats-Unis, les scènes d'action ou des plans longuement calculés se mettent en place à l'étranger. La spontanéité, le naturel n'a de place qu'aux Etats-Unis, l'Europe on la tient tout de même à distance, si on y pénètre on doit la maîtriser. Cela nous rappelle également le double épisode final de The Pretender qui se déroule sur une île proche des côtes irlandaises. Ce n'est pas vraiment l'Europe puisqu'on se situe dans une sorte de non-lieu, de non-temps. Cet espace clos, mythique, sombre est presque surréaliste avec cette tempête qui se déchaîne, cette nature qui se déchire. Les époques se mêlent quant à elles, on découvre de vieux manuscrits, le héros dort dans un monastère, découvre dans un cimetière des secrets enfouis. Le surnaturel apparaît quand Mlle Parker aperçoit en vision l'une de ses ancêtres. Cette série qui n'avait jamais cotoyé avec le fantastique commence donc à le faire en se rapprochant des côtes européennes. Les personnages découvrent dans cet épisode leurs origines mais aucune réponse ne nous est donné entièrement comme si le mystère devait continuer à planer.

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