Un rapport ambigu à l'histoire

Les Américains vont utiliser la fiction pour reconstruire leurs origines, ils les réinventent sans cesse. On a d'une part l'histoire du continent et de ses populations originelles, d'autre part celle des Européens ayant émigré vers les États-Unis, cette dichotomie pose des problèmes identitaires et se reflète dans les fictions.

Le thème du vieux continent est récurrent dans un genre en vogue : les séries centrées sur les vampires. Cela est permis pour deux raisons, d'une part les personnages sont immortels, ils ont donc pu traverser les siècles et les continents, d'autre part l’œuvre de Bram Stoker, écrivain irlandais situe les premiers non-vivants en Europe de l'Est. De nombreux épisodes intégrant des flashbacks dans Buffy the vampire slayer ou Angel resituent les vampires dans leur passé, passé qui se fond avec l'Histoire européenne. On découvre Angel en Irlande où il est né durant le XVIII ème siècle, la vie d'aristocrate de Spike dans l'Angleterre du XIX ème siècle... Dans The Vampire Diaries Katharina (désormais Katherine ) provient de Bulgarie, la période de la Renaissance est évoquée et revisitée, dans True Blood, Eric est à l'origine un viking, cela constitue la meilleure partie de lui-même. Parfois il parle d'ailleurs un vieux suédois (qui nous est traduit par des sous-titres) soit dans des flashbacks soit avec Godric, le vampire qui l'a engendré pour reprendre les termes propres à la mythologie du genre.

Spike, humilié à Londres dans les salons mondains quitte son humanité après avoir été transformé en vampire.

Dans l'épisode 8 de la saison 3 de The Vampire Diaries, l'histoire est une nouvelle fois reconstruite par l'intermédiaire des vampires originaux. Ceux-ci auraient émigré vers l'Amérique bien avant sa découverte par Christophe Colomb et y auraient vécu quelques années en compagnie des loup-garous.  L'idée dominante est toujours la suivante : les origines sont toujours un lieu d'incertitude, on ne peut les connaître pleinement puisque ce vampire âgé de plusieurs milliers d'années a vécu dans l'erreur depuis l'origine. En fait, les Etats-Unis ne peuvent se détacher de ce vieux continent puisque d'après l'ouvrage Passeurs culturels "c'est le savoir de ces traditions confrontées les unes aux autres qui donne sens et relief à ce que révèle le Nouveau Monde".

Quant aux Amérindiens, leur présence est plus rare alors qu'il s'agit de l'histoire du propre territoire des scénarises. Ils ponctuent parfois les séries en étant montrés comme des sages, en relation avec un monde spirituel. On se rappelle notamment de "The Pretender", la série "Las Vegas" en dévoile toutefois certains dans la gestion des casinos, ce rapport à l'économie est simplement esquissé et évite les questions qui y sont réellement liées. Cette absence est révélatrice d'un sujet délicat sur lequel on préfère poser un voile. La situation évolue peu, pour cela il faudrait reconnaître l'existence d'un problème et de ses origines, cela noircirait l'histoire des États-Unis. Mais l'univers des séries est riche, on peut donc trouver une exception à la règle, on citera donc Blackstone, une série canadienne ! On ne se situe évidemment plus dans un programme grand public, les informations sur la série sont d'ailleurs difficiles à trouver, elle semble aussi marginale que les personnages qu'elle met en scène.

D'après Sérieslive...
Blackstone raconte la vie d'une communauté aborigène alors que son système est à la dérive : les aînés qui la dirigent sont pourris jusqu'à l'os, la hiérarchie ne fonctionne que sur la base du népotisme, et plus personne n'ose dire quoi que ce soit. En conséquence, la réserve de Blackstone semble au bord du précipice, et un incendie tragique va précipiter cette petite communauté dans le chaos.
Le générique d'ouverture nous montre une tribu qui erre entre ses souvenirs, son origine bercée par les traditions et un contexte actuel difficile, finalement une tribu qui ne trouve ni sa place ni son identité dans le monde. On navigue ainsi entre les photographies, les objets d'autrefois et les plans ancrés dans le présent, on distingue notamment un jeune garçon à vélo ne semblant pas savoir où il va. On peut également remarquer le parallèle entre les jeunes filles alignées sur leurs vélos et l'image représentant leurs ancêtres dans la même position sur leurs chevaux. Comment ces populations peuvent-elles s'adapter au monde ?




Blackstone is relevant and relational in an Aboriginal story world, with universal themes and conflicts that are not only relatable to some First Nations out there today, but also to the world of politics and power in general,” said Ron E. Scott, who created, wrote, directed and executive produced the series.
Le créateur tente de porter un regard lucide sur le monde, en s'intéressant à une minorité il montre que leurs problèmes sont aussi les nombres. La série porte donc la marque d'un engagement, il s'agit de tourner les projecteurs sur ce que l'on refuse de voir.

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